19 janvier 2008

Broderie sémantique

Voici la réponse à l'antenne, aujourd'hui 19 janvier 2008 à 16h50 sur France Inter, du médiateur de Radio-France, Patrick Pépin, à une interpellation récente, par courriel, de ma part :

Le courriel d'Anatole [...] nous reproche l'usage des termes activistes ou militants dès lors qu'il y aurait mise en oeuvre de violence armée. Sans que l'auditeur nous le dise, j'ai bien l'impression qu'il nous parle du conflit israélo-palestinien, et notre auditeur veut nous dire qu'en utilisant ces termes "nous faisons de la désinformation pure et simple", et je l'ai cité. L'on sait bien qu'à la longue l'usage des mots "terroristes" ou "résistants" est toujours sujet à caution. L'histoire, sur ces vocables, nous a souvent joué des tours, ce qui n'exclut pas que tel ou tel acte puisse être qualifié de terroriste par la nature du lieu où il s'est produit, des personnes visées, et des méthodes employées. L'avantage du concept d'activiste est qu'il est clairement lié à la notion d'extrémisme. Ainsi donc, "activiste" aurait pour fonction d'éviter l'usage répété des mots terroristes ou résistants, qui eux disent beaucoup plus qu'activistes : un parti pris politique ou éditorial.

Commentaire de Mathias Deguelle, producteur de l'émission "Le zapping de France Inter", qui accueille chaque semaine le médiateur de Radio France vers 16h45.

- C'est un plaisir de vous entendre Patrick, parce qu'on fait presque j'allais dire dans la broderie sémantique, presque de la fine horlogerie...

Quant à nous, les remarques de M. Pépin nous paraissent bien légère et aucunement convaincantes.

J'ignorais que l'usage des mots terroristes et résistants était toujours sujet à caution ! Il faudra en parler aux associations de résistants et aux victimes du terrorisme. Au contraire de ce qu'affirme M. Pépin, bien des exemples témoignent de ce que, souvent, l'emploi des mots terroristes ou résistants n'est pas le moins du monde sujet à caution.

Aussi, c'est bien l'usage répété du mot "activiste" pour désigner des terroristes qui exprime un parti pris politique et éditorial. Nous livrons au dossier l'échange des trois courriels qui a précédé la chronique de M. Pépin, et qui contient par avance notre réponse à son billet :


1. Premier courriel

De : anatole.vigilances@gmail.com
Envoyé : mercredi 16 janvier 2008 00:09
À : MEDIATEUR
Objet : Un message posté sur radiofrance.fr...

Bonjour,

Nombre de vos journaux et flashs d''information qualifient d''activistes ou de militants les terroristes qui balancent des obus sur les civils d''un pays démocratique ami. "Activiste", c''est le même terme qui est utilisé par les commentateurs pour désigner, souvent, N. Sarkozy ! Et chacun sait ce qu''est un militant...

C''est, de votre part, de la désinformation pure et simple. Cela a des conséquences dans notre pays, votre responsabilité est énorme.

Salutations,

Anatole



2. Deuxième courriel
Réponse du médiateur : MEDIATEUR@radiofrance.com
18 janv. 2008 14:37


Monsieur,

J'ai pris connaissance de votre courriel du 16 janvier 2008.
Ce thème fera l'objet de ma chronique, samedi à 16 h 45 sur France Inter.
Recevez, Monsieur, mon salut cordial.

Patrick PEPIN



2. Troisième courriel
18 janv. 2008

Monsieur le médiateur Patrick Pepin,

je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu accorder à mon message, et j'écouterai avec grand intérêt votre chronique du samedi 19 janvier 2008 à 16h45 sur France Inter.

Ne sachant pas dans quel sens iront vos remarques, je me permets d'ajouter les précisions suivantes :

1. Je suis bien conscient que Radio France n'est pas la seule à utiliser ces termes "activistes" ou "militants", puisque c'est le vocabulaire habituel de l' AFP, et par voie de conséquence de l'ensemble des média de notre pays. La généralisation de cet usage ne le rend pas légitime pour autant, et j'interpelle régulièrement vos confrères de la même façon. Vous êtes le premier à souhaiter répondre, et je vous en remercie d'autant plus.

2. le Hamas figure, entre autres, sur la liste des organisations terroristes du Conseil de l'Union européenne. Pour la France, on peut se rapporter à la déclaration de J. Chirac en date du 19 juillet 2005 : " le Hamas est une organisation terroriste qui ne peut être un interlocuteur de la communauté internationale tant qu'il ne renonce pas à la violence et ne reconnaît pas le droit à l'existence d'Israël. C'est la position de l'Union européenne ; elle est sans ambiguïté et ne changera pas. "

3. Les membres actifs (combattants) et les responsables (leaders) d'une organisation terroriste sont, par définition, des terroristes.

4. Quand bien même certains journalistes auraient des raisons personnelles de vouloir qualifier de "sympathisants", de "militants" ou d'"activistes" les combattants ou les leaders d'une organisation terroriste, comment expliquer que les communiqués israéliens où le terme terroriste figure soient "traduits" en remplaçant "terroriste" par "activiste" ? Je sais bien que toute traduction est une trahison, mais tout de même...

5. Le 11 septembre 2006, vers 8h55, à l'occasion du cinquième anniversaire des attentats terroristes de New York, Nicolas Demorand acquiescait à une remarque d'Olivier Roy déclarant, à propos du Hezbollah : " on ne peut pas appeler "terroristes" tous ceux avec qui l'on n'est pas d'accord". La légèreté de la remarque et les confusions sémantiques qu'elle implique contraste avec la gravité des faits, y compris s'agissant du Hezbollah. Il est du moins certain qu'elle ne peut en aucun cas s'appliquer au Hamas. Pourtant, certains (parfois même certaines après-midi sur France Inter) voudraient suggérer que chaque fois que l'on qualifie des individus ou des groupes de "terroristes", on se mettrait dans le sillage de la propagande nazie qui qualifiait en son temps les résistants de "terroristes" ! C'est évidemment absurde; j'ajouterai que la propagande qui consiste à faire passer d'authentiques résistants pour des terroristes est comparable à celle qui consiste à faire passer d'authentiques terroristes pour des résistants.

6. Il y a un critère relativement évident qui permet de faire la différence : cherche-t-on à terroriser, à blesser et à tuer de façon aveugle hommes, femmes et enfants, civils de tous âges, ou vise-t-on spécifiquement des combattants armés membres d'organisation terroristes, des terroristes donc, dans le but de les empêcher de nuire ?

Dans l'espoir que votre chronique remettra les pendules à l'heure sur cette question essentielle y compris pour ses répercussions dans notre pays,

Bien cordialement,

Anatole


Force est de constater que la chronique de P. Pépin n'aura pas répondu à notre espoir... La propagande continue.